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Haiti

Haïti : Cyclones - à quand la fin des bilans macabres ?

En suivant une trajectoire erratique, la tempête tropicale Hanna a surpris plus d'un. Contrairement aux prévisions météorologiques, la tempête a durement frappé Haïti, laissant sur son passage plus d'une vingtaine de morts et causant des inondations dans plusieurs régions du pays. Mais au-delà des graves conséquences enregistrées, Hanna a mis en lumière les carences du système de protection civile du pays.

Ce mercredi 3 septembre, le centre de la tempête a commencé à s'écarter des côtes Nord d'Haïti. Cependant des pluies et des orages sont encore prévus sur certains départements du pays. Le gouvernement a maintenu le niveau de vigilance rouge et continue de mettre en garde la population contre les menaces de pluies, d'orages violents, d'inondations et de glissements de terrains.

Face à cette situation catastrophique, le Président René Préval a personnellement appelé à «la solidarité nationale». Cependant, d'aucuns s'interrogent sur les mesures prises par les différentes institutions étatiques pour prévenir les conséquences de ces intempéries.

Des interventions a posteriori ?

Les pertes en vies humaines et autres dégâts enregistrés dans différentes régions du pays, notamment aux Gonaïves, montrent encore une fois, que le système de protection mis en place est presqu'exclusivement réactif. En effet, selon des habitants des Gonaïves, la Cité de l'indépendance a commencé à enregistrer ses premières pluies depuis la soirée du lundi 1er septembre. Cependant, les populations n'étaient pas prévenues qu'ils faisaient face à une dangereuse tempête.

Certes, la trajectoire erratique de la tempête tropicale Hanna a fait mentir les prévisions météorologiques. Et son passage sur Haïti a créé la surprise. Cependant, l'état de la ville prouve, si l'on s'en tient aux constats dressés par le sénateur Youri Latortue, qu'il n'y pas eu de mesures permettant d'éviter qu'on ait à nouveau des dizaines de morts, des milliers de familles aux abois et de maisons détruites.

« Les travaux de curage des égouts après le passage de la tempête Jeanne, il y a quatre ans, sont inachevés. Ceci a aggravé la situation », de l'avis du sénateur de l'Artibonite. Par ailleurs, dans le document « stratégie nationale de préparation de la saison cyclonique 2008 », les responsables de la Protection civile et du Système de Gestion des Risques et des Désastres avaient clairement notifié le caractère inquiétant de la saison cyclonique 2008.

Dans ce document, les autorités ont en effet noté que «les prévisions scientifiques indiquent une saison plus active que la moyenne, avec une liste de 13 à 17 cyclones dont cinq à onze deviendraient des ouragans moyens, desquels trois à cinq deviendraient des ouragans intenses ». Ils ont en outre relevé que «la fragile situation socio-économique, politique et environnementale du pays induit des schémas de vulnérabilité inquiétants ».

Le niveau de vulnérabilité de la ville des Gonaïves est connu. D'ailleurs les cicatrices de la tempête Jeanne sont encore vivaces. Cependant, on peut se difficilement comprendre que les habitants soient une nouvelle fois contraints de « se réfugier sur le toit de leur maison », attendant des secours qui, dans ce contexte, paraissaient hypothétiques. Dans plusieurs zones de la ville, par moments, l'eau atteignait en effet 3 mètres.

Le maire de la ville, Stephen Moise a dénoncé une «situation vraiment catastrophique ». Et l'ancien directeur départemental de l'Administration Pénitentiaire Nationale (APENA), Frantz Delano Joseph, de lancer un appel pressant à la «solidarité nationale et internationale agissante ». «Si les interventions ne sont pas rapides et efficaces, dit-il, nous allons faire face à une catastrophe », mettait-il en garde.

Or les autorités impliquées dans la gestion des risques et des désastres « travaillaient ardemment à la préparation de la nouvelle saison cyclonique afin d'augmenter les capacités de réponse et de réduire le haut niveau de vulnérabilité ». Elles avaient promis l'élaboration d'une « stratégie de préparation à la saison cyclonique afin d'établir les actions prioritaires et de coordonner l'utilisation des ressources ». Cette stratégie devait se baser « sur les acquis et les leçons apprises des années précédentes » et être aussi « le fruit de la concertation entre les différents acteurs du système ».

Des dispositifs peu efficaces ?

Des « dispositifs de protection civile » sont effectivement mis en place à travers le territoire en vue une meilleure organisation de la « préparation aux désastres et de la réponse aux urgences ». Tous les départements ont un comité de Gestion des Risques et des Désastres (GRD) « fonctionnel ». La Direction de la protection Civile (DPC) dispose d'un coordonnateur technique central pour « coordonner et superviser les activités ». Des comités communaux et locaux de GRD ont également été mis en place.

Par ailleurs, il était prévu le « renforcement du système d'alerte ». Les bulletins météorologiques et les bulletins d'alerte devaient être diffusés à « un rythme plus régulier pour donner plus d'informations et de temps de réaction aux populations vulnérables ». A cela s'ajoute la sensibilisation de la population qui devait être « conduite régulièrement ».

Bref, un arsenal de dispositions qui devaient théoriquement porter des résultats. Cependant, si on peut se targuer chaque fois d'un nombre important de personnes transférées dans des abris, il s'agit d'actions a posteriori. Et pou cause, à chaque tempête, on déplore toujours de nombreuses pertes en vies humaines. L'annonce de l'arrivée prochaine d'autres cyclones, dont Ike et Joséphine n'est pas pour rassurer.

Aussi est-il devenu urgent de repenser les stratégies. A titre d'exemple, l'évacuation à priori des personnes vivant dans les zones à risques s'avérerait indispensable. De même, au regard du nombre de personnes ayant péri noyé ou dans des éboulements de terrain lors du passage de l'ouragan, il importe de renforcer les communications et la sensibilisation.