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DR Congo

RDC : Les FARDC auraient environ 100,000 hommes, selon l'EUSEC

Interview par Oscar Mercado et Michel Smitall
En mai 2005, l'Union européenne a établi une mission en RD Congo pour assister la réforme du secteur de la sécurité

  • EUSEC. Son mandat sera renouvelé d'ici quelques jours. L'EUSEC conseille les autorités congolaises sur le processus d'intégration des FARDC et aide à la mise en oeuvre de la reforme administrative de l'armée congolaise, dossier autant plus sensible que la sécurité des prochaines élections dépend en grande partie de la discipline et du soutien logistique de l'armée et de la police congolaise. Le Général Pierre-Michel Joana, chef de l'EUSEC fait le point sur l'avancement de la réforme.

INTERVIEW

Mon Général, quelle est la tâche de L'EUSEC?

Les composantes militaires ont clairement surévalué leurs effectifs.

L'EUSEC est une mission de l'Union européenne qui a pour objectif d'aider à la réforme du secteur de la sécurité au Congo. On a commencé cette mission le 2 mai 2005, en s'occupant de l'armée et notamment de tous les aspects du processus d'intégration.

L'EUSEC a mis en place trois experts auprès du Ministre de la défense, du chef d'Etat major général, du chef d'Etat major des forces terrestres qui constituent le gros des troupes à intégrer. Nous avons aussi trois conseillers au sein de la CONADER, de la Structure militaire d'intégration (SMI) et du Centre de coordination des opérations conjointes (CCOC).

Ce dispositif nous permet de suivre de près l'évolution du processus et de conseiller les décideurs politiques et militaires sur les moyens de débloquer des situations qui semblent parfois inextricables - ce qui arrive assez fréquemment.

Quels sont les principaux problèmes que pose l'intégration de l'armée?

Le premier obstacle, c'est un problème de manque d'information générale sur un processus qui est excessivement compliqué. Lorsque l'on parle aujourd'hui des FARDC, il faut se souvenir qu'elles proviennent de six différentes ex-composantes (NDLR: ex-gouvernementaux, ex ANC, ex-RCD KML, ex-MLC, les groupes armées de l'Ituri et la composante Mai-Mai).

Déjà il faut identifier et sélectionner l'ensemble des anciens belligérants, qui se battaient entre eux il y a quelques mois encore, il faut les brasser, et ensuite il faut les intégrer dans des brigades qui seront déployées sur le terrain selon les besoins opérationnels définis par l'Etat-major général. Tout ceci se passe en liaison avec la MONUC.

La difficulté est de faire comprendre à tous les acteurs, nationaux et internationaux, l'ensemble des mécanismes dont nous nous occupons pour éviter les blocages qui souvent apparaissent au cours du processus, qui je le répète est long et compliqué.

Vous ne donnez pas de formation?

Non, l'EUSEC est là à titre de conseil. Si les choses ne marchent pas bien je peux aller voir le ministre pour lui signaler où est le blocage et ce que l'on peut faire pour améliorer les choses. Malheureusement cela est très compliqué et les choses n'avancent pas aussi vite que nous aurions pu l'espérer.

Et en ce qui concerne la solde de l'armée, quel est votre rôle?

Cela constitue le deuxième volet de notre mission. L'EUSEC a fait venir une mission d'experts au mois d'août dernier, chargée de faire un audit auprès du Ministère de la défense pour identifier quels étaient les disfonctionnement qu'il fallait corriger dans ce domaine.

Ils ont travaillé pendant un mois et ils ont fait un rapport volumineux, le rapport EUSEC, dont tout le monde a entendu parler. Selon ses conclusions il fallait reconstruire le système administratif de l'armée congolaise en commençant par le statut du soldat. Car si on ne connaît pas les droits et les obligations des militaires, l'on saura difficilement les rémunérations qui leurs correspondent.

Ensuite le gros problème est celui de la maîtrise des effectifs. Les composantes ont clairement surévalué leurs effectifs. Il faut donc les identifier afin de permettre au ministère de gérer ces personnels et de planifier les budgets nécessaires à leur soutien. Ceci est un programme qui est en cours et qui doit être terminé d'ici la fin du mois de juin.

C'est donc un recensement des militaires qui est en cours?

Tout à fait, à l'origine l'on parlait de près de 340,000 hommes au sein des FARDC. Aujourd'hui, par contre, bien que le recensement ne soit pas encore terminé, l'on peut estimer la totalité des effectifs de l'armée congolaise autour de 100,000 hommes. Etant donné que la masse salariale est plus faible, les salaires donc ont pu être augmentés, et ceci depuis le mois de janvier dernier.

Les salaires ont augmenté de combien?

Le salaire des soldats est passé de 10 à 23 dollars par mois, ce qui est encore insuffisant. Mais cela permet déjà une petite amélioration dans leur condition de vie.

Il y a tout un travail à mener sur les méthodes de paiement des soldes. Jusqu'à présent c'était le commandement des unités qui percevait l'argent des soldes et le distribuait directement aux soldats. Cette pratique est en contradiction avec les règles de saine gestion budgétaire. Ainsi, pour éviter qu'il y ait des problèmes de détournement ou des contestations nous avons proposé d'établir une chaîne de paiement administrative qui ne soit pas confondue avec la chaîne du commandement.

Cela a été accepté, et nous sommes donc en train de mettre en œuvre cette réforme. Pour faire appliquer ce mécanisme, j'ai fait venir presque une trentaine des spécialistes qui sont maintenant tous arrivés au Congo. Une équipe travaille à Kinshasa, où elle s'occupe des questions du statut des soldats, de la maîtrise des effectifs et de l'organisation de la chaîne de paiement.

Nous mettons aussi en place, dans les brigades intégrées dans l'est du pays, des assistants qui vont contribuer à installer puis développer cette nouvelle chaîne administrative avec des moyens modernes et fiables pour être sûr que chaque soldat sera payé et identifié.

Quel est le soutien de la MONUC?

La MONUC, sous la proposition de M. Swing, le Représentant spécial des Nations unies en RD Congo a décidé qu'elle allait soutenir le processus de paiement des salaires. La MONUC a donc commencé par fournir des observateurs qui assistent avec les congolais à la paye des salaires de l'armée depuis le mois de décembre.

Ce n'est pas la MONUC qui fournit l'argent, elle accompagne les payeurs qui viennent de Kinshasa, pour les initier aux nouvelles méthodes. Ce sont les payeurs qui perçoivent l'argent, puis vont dans les différents bataillons et les différentes brigades de façon à verser le salaire à chaque soldat en s'assurant que les soldats sont payés conformément aux normes établies. La MONUC assure à la fois l'accompagnement technique et administratif de cette opération ainsi que l'accompagnement sécuritaire.

Jusqu'à quand allez-vous assister la réforme de l'armée?

L'EUSEC assistera cette réforme jusqu'à ce que le nouveau système soit stable et fonctionne correctement; on ne peut pas en effet accompagner le paiement de la solde des militaires indéfiniment. Cela revient à l'armée congolaise.